C’est vrai ça… après tout… si c’est leur choix…
J’ai proposé un compte-rendu partiel de la conférence de Clémence Perronnet aux journées nationales de Rennes de l’APMEP. Mais j’avais mis de côté (pour plus tard) tout le début de la conférence qui s’attache à poser le problème pour comprendre en quoi il y a là un enjeu de société. Vu que mon retour sur la conférence a déjà beaucoup tourné, je m’empresse de faire ce complément qui me semble nécessaire pour bien comprendre le sujet.
Clémence Perronnet commence par clarifier les choses : il ne s’agit pas de dire que tout le monde, et en particulier les femmes, doit aller faire des maths. Mais aujourd’hui, telle que l’institution est construite, les maths ont pris le pouvoir : elles amènent à avoir du pouvoir économique et symbolique. Or, si cette discipline permet d’accéder à des positions de pouvoir mais que toute une partie de la population n’est pas concernée alors il y a un enjeu fort de justice sociale…
Il y a aussi un enjeu épistémologique : avoir un corps de scientifiques très homogènes amène à ignorer certains problèmes et à produire des technologies et des sciences biaisées. Par exemple, l’IA reconnait moins bien les visages de femmes ou de personnes noires. En médecine, on a des résultats catastrophiques parce que certaines populations ne sont pas prises en compte…
Point qui me semble très important : ces biais peuvent être sexistes mais aussi (surtout ?) racistes et classistes. Car n’oublions pas que si la question de l’orientation des filles est un sujet souvent évoqué aujourd’hui (sans pour autant que le problème ne soit réellement traité), les mêmes phénomènes se produisent pour d’autres parties de la population d’une manière peut être encore plus forte et plus invisible. Les inégalités de classe notamment sont particulièrement criantes.
Une réalité objective de multiples fois documentée…
Quelques statistiques données par Clémence Perronnet pour ceux qui ont encore besoin d’être convaincus (j’espère que mes notes sont justes) :
Sur les inégalités de genre | Sur les inégalités de classe | Sur les inégalités raciales (aux États-Unis) |
54 % de lycéennes | 30 % de lycéen·e·s d’origine défavorisée | 17 % de personnes noires au lycée |
40 % de filles en terminale scientifique (2021) | 17 % en terminale scientifique | 11 % suivent des enseignements de maths |
30 % de filles en prépa scientifique | 11 % en prépa scientifique | |
18 % de filles dans les grandes écoles scientifiques | moins de 10 % dans les grandes écoles scientifiques | 5 % en licence de maths |
Toutes ces données m’ont fait penser au phénomène du tuyau percé qui, si je ne me trompe pas, décrit exactement cette situation.
…qui s’aggrave
En 2021 on observe déjà les effets catastrophiques de la réforme du lycée (2019) :
Je crois que ces graphiques se passent de commentaire. On observe un recul de 25 ans. Comme le fait remarquer Clémence Perronnet, déjà qu’au rythme auquel les choses évoluaient on n’était pas près de résoudre le problème, mais alors si en plus on recule…
Petit détour en passant, il ne s’agit pas d’un phénomène franco-français. On observe le même genre de données pour les personnes noires aux Etats-Unis.
Enfin, une remarque : pour beaucoup de points, les mathématiques ne sont pas spécifiques par rapport aux autres sciences. On observe les mêmes phénomènes ailleurs. Mais c’est en maths que les écarts sont les plus fort et c’est aussi en maths que la croyance en la neutralité de la discipline est la plus forte, ce qui conduit peut-être à une forme d’aveuglement de la part d’acteurices de terrain.